Mardi 2 mai 2017, le Lyon Basket Féminin a décroché in extremis le droit de poursuivre l’aventure en première division féminine à la rentrée prochaine. Son maintien, le club désormais présidé par Tony Parker le doit principalement à un homme : Pierre Bressant. Français d’origine américaine, cet ancien basketteur professionnel (qui est notamment détenteur du record de passes décisives réalisées sur un match de Pro A avec 28 unités) a repris avec réussite la tête du coaching de l’équipe lyonnaise à l’occasion des deux derniers matchs des playdowns. Et ce, plusieurs années après avoir propulsé ce même club de la NF1 à la LFB entre 2008 et 2011…
En exclusivité pour Basket-BallWorld, Pierre Bressant revient sur sa nomination surprise ainsi qu’éphémère en tant que head coach, et nous a livré sa méthode psychologique qui a grandement contribué aux deux ultimes succès décisifs acquis par les Lyonnaises cette saison.
Tout d’abord, comment s’est déroulé votre retour au Lyon Basket Féminin ?
Avant tout ça, mon ancien président m’a appelé car dans l’association, il manquait un coach pour les U20. J’étais libre donc j’ai accepté. Deux mois plus tard, le coach des U13 a quitté son poste et on m’a demandé de le remplacer. J’entraînais donc toute la semaine les deux équipes, en plus de deux matchs le week-end entre le samedi et le dimanche. Quelque temps après, le président m’a demandé une troisième chose : si je pouvais aller aider l’équipe 1. Je suis donc devenu assistant et comme ça ne changeait pas grand chose, ils ont tenté le tout pour le tout. Ils m’ont dit : « Maintenant que tu les connais bien, que tu es parmi eux, fais ton tour de magie et on ne descend pas ». Ca s’est passé comme ça, tout simplement.
Au vu des ambitions de Tony Parker, à quel niveau la pression du résultat était-elle présente sur cette fin de saison ?
Il n’y avait pas tant que ça de pression mais l’enjeu était important. L’équipe pour la saison prochaine est déjà en partie constituée et c’est vrai qu’elle ne pouvait pas jouer en Ligue 2. De plus, il y a beaucoup de gens qui sont à Lyon depuis longtemps et qui voulaient que l’on reste en Ligue.
Comment avez-vous géré le fait justement que le nouveau coaching staff et de nouvelles recrues soient annoncées avant même que la saison soit terminée ?
Bien sûr, c’était présent sur tous les visages. Les gens voyaient et sentaient que l’aventure se terminait pour eux ici. Quand tu vois que deux filles ont déjà signé à ton poste de jeu, tu prends conscience de ça. Malgré tout, on a été jusqu’au bout et pour nous, ce n’est pas ça qui comptait. J’ai dit aux joueuses que l’on joue pour notre famille, pour vos amis qui ont envie de vous voir avec le sourire sur le visage. On joue pour des gens de sa famille qui ne sont plus là, qui sont peut être ailleurs, dans le ciel, et qui seront fiers. Je voulais que l’on ait tous le sourire à la fin du match et que chacune de notre famille soit fière de nous. C’est ce qui s’est passé.
Pouvez-vous revenir sur le fonctionnement des playdowns ?
Les quatre plus mauvaises équipes du championnat y participent. Les résultats des matchs déjà joués entre ces quatre équipes durant la saison sont conservés, puis chacun va jouer six matchs supplémentaires au total les uns contre les autres en matchs aller/retour. Avant d’entamer cette nouvelle série de six rencontres, Nice et Tarbes avaient quatre victoires et deux défaites, mais Nice possédait l’avantage du point average sur Tarbes. De notre côté, on avait trois victoires et trois défaites. Et enfin, Angers n’avait qu’une victoire et cinq défaites. A l’heure de disputer la dernière journée, on était ex-aquo avec Angers avec chacun cinq victoires, et Tarbes ainsi que Nice étaient déjà sauvés. Donc il fallait absolument que l’on gagne.
Quel a été le scénario du match et votre impact sur cette équipe lyonnaise ?
Lors de l’ultime duel face à Angers, on gagne en inscrivant un panier qui nous permet de passer devant à 7 secondes de la fin, avant que notre adversaire ne loupe ensuite le panier à trois-points. On était derrière au score pendant tout le match. Entre guillemets, on était bien préparé car contre Nice samedi dernier, on était aussi derrière tout le match et on gagne dans la dernière minute. Cet avant-dernier match nous avait permis, mentalement, de savoir que l’on peut gagner car ça faisait longtemps que l’on avait pas remporté un match. En effet, sur les vingt derniers matchs, on avait dû en gagner qu’un ou deux. Au final, on termine donc sur deux victoires consécutives. Les filles n’ont jamais lâché, elles ont tenu les paroles, sont allées au bout d’elles-mêmes. Mardi contre Angers, j’avais prévenu que c’était un match qui durait 40 minutes et non pas 30, que si on allait jusqu’au bout, on aurait pas de regret. On a fait tout ce qui fallait, on a fait des fautes, on a été dur et dominant à l’intérieur. Angers avait de l’adresse, mais elle a fuit à la fin.
J’ai donc eu l’honneur de coacher les deux derniers matchs, qui ont tous deux eu lieu à domicile. Mais j’ai envie de dire que je n’ai fait que redonner la confiance que les filles avaient perdue et n’avaient plus en elles. Je n’ai fait que comme un magicien qui tire un lapin de son chapeau. Le lapin a toujours été dans le chapeau. Je l’ai fait juste sortir de sa cachette et mis au grand jour ! Et pour être plus dramatique, j’étais habillé en rouge plutôt qu’en noir… J’avais aussi de supers assistants, Fred Berger et Ilyes Dekhil, et sans eux je n’aurai pas réussi mon spectacle ! Je n’ai rien fondamentalement changé, ni le niveau de basket ni les systèmes. J’ai juste changé leur mental, pour qu’elles sachent qu’elles puissent bouger des montagnes et qu’elles sont des filles formidables. Elles avaient besoin d’être aimées, d’avoir confiance en elles… En bref, beaucoup de choses positives. Pendant toute l’année, elles n’avaient eu que du négatif, avec des blessures, etc. La façon de se battre, ce n’est pas uniquement pour le basket mais aussi la vie quotidienne, avec des maladies, le boulot, votre prochaine vie… Je leur avait construit un mental avec 10 étapes que tu dois faire tout les jours à chaque fois que tu dois faire face à quelque chose. C’est une façon d’aborder la vie. Tout ça, je sais que c’est grâce à d’anciens de mes joueurs qui me disent aujourd’hui merci pour ce que je leur ai apporté dans la vie, à construire et à faire, et pas uniquement par rapport au basket. Par exemple, Yohann Sangaré, que j’avais eu à l’Asvel, est arrivé à la fin du match et a été capable de savoir de quoi j’avais parlé aux joueuses avant la rencontre. Rien ne change, la vie est juste une bataille et il ne faut jamais rien lâcher. La mission est accomplie, maintenant je peux me reposer. Comme dans les films à la TV, il y a encore eu une happy end et c’est ça qui est le plus important. Pour terminer, je remercie infiniment Nordine Ghrib, bras droit de Tony, Marie-Sophie Obama, la nouvelle présidente du section féminine de l’ASVEL, Sernin Marichal, président du FCL Lyon et Olivier Ribotta, GM du Lyon Basket Féminin, pour avoir eu l’idée ensemble de tenter leur chance et la destinée du club avec moi.